Céline Boisserie-Lacroix

Takis, Champs Magnétiques


© ADAGP


Revue d’exposition — Takis, Champs Magnétiques, Palais de Tokyo, 17 février > 16 mai 2015

Le Palais de Tokyo vient de consacrer une rétrospective à Takis, artiste plasticien inspiré par la science. Retour sur l’exposition à travers le parcours de Takis, qui s’est proposé de réinventer la sculpture en intégrant à sa démarche des phénomènes magnétiques.

Un « savant intuitif »

Né en 1925 à Athènes, Takis s’installe à Paris dans les années 50. Fasciné par la magie des sciences et de la technologie, il s’en empare dans son travail de sculpteur comme moyen d’expression. Champs électriques, champs magnétiques, électro-aimants, lumière, sphères, signaux, pièces mécaniques nourrissent peu à peu le vocabulaire formel de Takis.

Début des années 60. L’aventure moderniste bat son plein et la conquête spatiale s’envole. Dans cet imaginaire ambiant progressiste, Takis rejoint la pratique d’artistes qui, toujours plus nombreux, instituent l’« art cinétique ». Pour mettre en mouvement ses compositions, il utilise une source d’énergie bien mystérieuse, l’énergie magnétique.

« Murs magnétiques » et « Télépeintures »

L’exposition s’ouvre sur une approche intuitive du champ magnétique. Dans la première salle, une longue toile rouge, œuvre récente de Takis, est parcourue d’une ligne sinueuse. On suit son parcours avec une boussole… qui s’anime sous l’effet du champ magnétique.

Juste en face, sur la même cimaise, les « Télépeintures », sculptures métalliques, sont suspendues à des fils. Grâce à des électroaimants, elles tiennent bien en place, fixées au mur.

« Musicales » et « Signaux »

Dans une seconde salle, deux groupes d’œuvres majeures de l’artiste. D’abord, les sculptures « Musicales ». Réalisées dès les années 60, elles associent magnétisme et vibrations sonores. Animées par des électro-aimants, des grosses aiguilles viennent heurter irrégulièrement des cordes de piano, produisant des sons aléatoires. Cette « musique des sphères » traduit autant la réactualisation du mythe platonicien que l’admiration de l’artiste fasciné par la conquête spatiale.

Au milieu de la pièce, un second ensemble attire l’attention. Ce sont cette fois-ci des grandes tiges verticales, terminées à leur extrémité par des éléments métalliques hétéroclites : luminaires, panneaux de signalisation… Dès les années 50 et tout au long de sa carrière, Takis déclinera ces antennes assemblées à partir de matériaux glanés, totems évocateurs de l’environnement urbain.

« Le siècle de Kafka », « Télélumière »

À mi-parcours de l’exposition, le visiteur pénètre dans une pièce sombre peuplée de machines inquiétantes. Une installation macabre digne d’un laboratoire de Frankenstein ou d’un cabinet de curiosité. Machines d’imprimerie abîmées, lampes bleutées, bouts de corps humain, ruban magnétique en vibration le long de reconstitutions de sexes féminins… Pour Takis, magnétisme et érotisme se rejoignent en ce qu’il y a dans le magnétisme « un désir de capter l’autre ». « La force de l’aimant et de l’amour, c’est la même chose ».



—  2015, Texte initialement publié sur Kaléidosciences, Carnet de veille en Littérature, Arts, Sciences et Technique

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