Céline Boisserie-Lacroix

Reverso, Fragments d’une vie à rebours




Texte de présentation de démarche artistique - Reverso, Fragments d’une vie à rebours. 2022-1961


Photographe et artiste plasticien, Grégoire Gardette a choisi de revisiter son propre parcours de vie. Leste, muni de ses « semelles de vent », il retourne sur les traces de son passé pour se le réapproprier. Sa démarche artistique reflète son itinéraire professionnel partagé avec ses clients de façon à donner forme à une image singulière, la sienne.

Sa vie ? Tramée d’images, de papier, de lumière et d’encre. Il est temps de tourner la page. Délicatement, car il n’est pas question ici de faire table rase. Et si tout s’accélère autour, Grégoire Gardette n’en perd pas le souffle. On le retrouve habiter l’espace d’un sourire, la grâce d’un geste, l’atmosphère d’une scène de rue.

La trame sensible de ses photographies se tisse au gré du voyage ou dans les interstices de sa vie quotidienne. Guidé par l’intuition de l’instant, il forge une matière brute représentant des images d’inconnus rencontrés de part et d’autre du monde, au hasard des rues ou d’un couloir d’hôtel, auxquelles il adjoint des matériaux, pour la plupart textuels, glanés çà et là.

La démarche de Grégoire Gardette procède d’une volonté de s’approcher au plus près de ceux qu’il a côtoyés, des lieux qu’il a arpentés. Réapprendre à regarder et voir le monde autrement, trouver prétexte à déclencher un regard affûté par des décennies de pratique.

Le déclic, parfaitement cadré, est laissé au hasard du moment ; l’image acquerra forme et sens plus tard. Seule compte la juste distance, celle qui consiste à s’approcher au plus près de l’état d’âme d’une personne, de l’atmosphère d’une scène.

La photographie devient prétexte à saisir l’instant partagé dans sa sincérité et son authenticité, à évoquer l’émotion qui affleure. C’est naturellement une démarche affranchie de la photographie de genre que Grégoire Gardette propose, laquelle s’épanouit autant dans des portraits intimistes que dans la photographie de mémoire.

Le monde dont il s’empare est celui de l’envers du décor, d’un oxymore où l’invisible de l’ordinaire s’expose et fait sujet. Quelle que soit la distance choisie, que le sujet nous regarde franchement ou qu’il s’efface dans une posture de recueillement, toutes ses photographies suggèrent une quête de sérénité, si ce n’est l’appel d’une mystique concrète.


L’œuvre palimpseste

La matière dont chaque œuvre est faite rend doublement compte de ce regard à rebours. Chaque image est sérigraphiée sur une base médiumnale inédite, journaux anciens, affiches publicitaires, parchemins… La liste n’est pas exhaustive. La reproduction sur le support détérioré est aléatoire.

En contrepoint à une époque marquée par le digital et le multiple, Grégoire Gardette a en effet choisi de renouer avec le travail de la matière pour mettre en exergue la singularité de chaque œuvre.

Certaines photographies sont sérigraphiées au verso d’affiches repeintes au préalable, clin d’œil malicieux à l’égard de l’homme d’images publicitaires qu’il a été.

La démarche n’est pas sans rappeler celle des chantres du nouveau réalisme, Jacques Villeglé ou Raymond Hains. Sans prétendre à une filiation directe avec l’ambition avant-gardiste de ces « affichistes », de révéler une réalité urbaine à travers un support lacéré et recomposé, la pratique de Grégoire Gardette s’en approche seulement en ce qu’elle place au cœur de ses préoccupations une entreprise de réappropriation spontanée de la grammaire visuelle de son époque. La démarche se rapproche plus de celle de son ami Jean-Charles Blais.

Le palimpseste d’empreintes que Grégoire Gardette nous propose résonne en chacun de nous et semble nous inviter à plonger dans le grand jeu de l’introspection.


À propos de Grégoire Gardette

Né en 1961, Grégoire Gardette est diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts d’Orléans, avec une spécialisation en graphisme et en photographie. Il a débuté son parcours en tant que directeur artistique en agence de publicité avant de fonder son propre atelier de design graphique en 1991.

Pendant près de trente ans, Grégoire Gardette a accompagné de grandes marques à travers le monde dans les univers de la culture, de l’art de vivre, du voyage et de la beauté.

Ces dernières années, sa pratique personnelle s’est recentrée autour de la photographie.



— 2022

Cargo Collective 2017