Hernán Gabriel Païs
Compostellae I © Hernan Gabriel Païs
Présentation de démarche artistique
Hernán Gabriel Païs, dit Blancheval, croit en une spiritualité incarnée où les figures démiurgiques s’entremêlent. Dieu, savant et artiste, une trinité créatrice renouvelée façonnant une vision universelle, transcendante et pourtant contemporaine. Si un fil étroit relie chacune de ces figures, trait d’union entre spiritualité, esprit et matière, il prend la forme de cet impalpable omniprésent, l’électricité. C’est par son intercession que, pour Païs, l’artiste crée et donne à voir une mythologie nouvelle, profondément ancrée dans notre époque.
Les peintres ont longtemps été ceux qui s’expriment sur la toile, la recouvrant pour faire œuvre. Mais il y aussi tous ceux qui, depuis le modernisme, font surgir le médium dans sa nudité pour dévoiler des possibilités plastiques insoupçonnées. Depuis le geste symbolique de Lucio Fontana, la toile s’est ouverte béante sur une nouvelle génération d’artistes, peintres autant que sculpteurs. Artisans, certes, mais surtout, expérimentateurs. Ces œuvres, telles que celles d’Alberto Burri, s’imposent d’elles-mêmes dans leur objectivité matérielle, ainsi que l’a théorisé le philosophe de l’art Mario Perniola.
Spatialistes et matiéristes ont été les premiers à tailler dans la matière de la toile pour faire dégorger l’imaginaire de leur époque. Certaines, toiles-chairs charcutées et pansées, sont autant de témoignages et d’empreintes. D’autres sont les supports d’explorations médiumnales en résonance avec les bouleversements techno-scientifiques de leur temps. Tous, cédant à l’injonction du philosophe François Dagognet, rematérialisent dans un même élan autant la science – perdue dans les champs et les structures abstraites – que l’art – dissout dans des dispositifs, si ce n’est, rendu à l’état gazeux.
La démarche de Païs, dit Blancheval, se situe dans la continuité de l’art informel et, plus généralement, des explorations plastiques menées à la lisière des sciences et des techniques dans la seconde moitié du XXème siècle. Elle s’en distancie néanmoins par sa volonté de répondre à ce qu’il nomme une « quête d’un Graal électrique », témoignant d’une bifurcation double. Peu de plasticiens ont en effet systématisé le choix de l’électricité comme médium d’expression, ou ont encore interrogé son rôle cardinal dans la fabrique de nos imaginaires et de notre spiritualité contemporaine.
En riposte aux chantres d’un désenchantement du monde, Blancheval endosse le costume de mytho-poïete. C’est que l’heure n’est plus aux questionnements ni à la critique : l’urgence, pour l’artiste, est d’apporter des réponses, de nouvelles manières d’éclairer le monde. Recentrée sur l’électricité mais abreuvée aux sources médiévales, panachée d’alchimie et de poésie, sa mythologie reflète notre monde industriel pour en faire ressortir la spiritualité. Elle s’inscrit directement dans la filiation de la thèse audacieuse de Pierre Musso, pour lequel l’industrie serait elle-même une religion.
Dans un renversement paradoxal où créer suppose de détruire, l’électricité, lorsqu’elle rencontre et abîme la toile par le geste de l’artiste, fait affleurer une mythologie nouvelle scellant l’alliance entre l’art et la technique. Une défonce venue des tréfonds de l’esprit, somme toute née d’un tremblement d’ondes électriques cérébrales.
— 2023, www.hernangabrielpais.com